Des sciences humaines aux Sciences de l’Homme et de la Société

Pendant longtemps, le seul critère de scientificité fut celui proposé par Descartes, formalisé par Auguste Comte, parachevé dans les Principia Mathematica de Russel. Pour être reconnu comme science, il fallait se soumettre à l’objectivité scientifique, à l’analyse causale et au raisonnement hypothético-déductif. Nous, polytechnicien, avons été d’abord formés comme praticien de cette approche.

Pour être considérées comme une science par les sciences qui se targuaient d’être « exactes »,  les «  sciences humaines », ont longtemps été tenues de se plier à ces critères positivistes : il fallait se donner un objet, et lui appliquer ces critères. Cela a conduit à des formulations de sciences segmentées par leur objet : humaines, sociales, économiques. Cette segmentation était acceptée mais le plus souvent vécue comme inadéquate par les chercheurs rigoureux de ces disciplines. Il faut en effet, pour le coup, un manque certain de rigueur scientifique pour parler de sciences humaines ou de sciences sociales, laissant entendre que les autres sont inhumaines, antisociales ou asociales. Elles forment un tout et ce tout peut faire l’objet d’une connaissance non réductrice.

La transition de paradigme dans les sciences physiques a conduit à l’affirmation profonde que nous n’atteignons pas le réel. Le sujet observant affecte sa représentation de l’objet. La conception que nous avons du ‘réel’ est forcément façonnée par notre perception. G. Bachelard invitait déjà dans les années 30 à un nouvel esprit scientifique construit sur une épistémologie non cartésienne.

Depuis la révolution scientifique de la mécanique quantique, nous assistons à l’émergence et à la construction d’un nouveau paradigme et à d’autres critères de scientificité, qui requièrent au moins autant d’obstiné rigueur que le positivisme. J. Piaget, T.S. Kuhn, K. Popper, H.A. Simon, E. Morin, J.L. Le Moigne, pour n’en citer que quelques uns,  développent de nouveaux fondements épistémologiques communs à toutes les disciplines, « dures » ou « molles » – cette qualification populaire ne bénéficiant pour le coup d’aucune légitimation épistémique. Ces nouveaux fondements permettent de repenser l’unité des sciences, d’intégrer et de dépasser les limites inhérentes au positivisme. Ces fondements sont ceux du constructivisme, de la systémique, de la pensée de la complexité et des sciences de conception.

Pour établir des connaissances sur l’action humaine, nous sommes donc en train de passer d’un critère de « vérité (présumée) objective » à « représentation (tenue pour) intelligible par un sujet modélisateur et adaptée à son expérience du phénomène étudié ». Ce nouveau paradigme implique une transformation de paradigme profonde dont les SHS ont été en partie les initiatrices.

Ce renouvellement épistémologique profond n’a encore que très peu atteint la culture interne des institutions d’enseignement et de recherche, ni a fortiori celle des entreprises et de l’état, qui sont encore très enracinées dans les fondements positivistes. Faire connaître ce renouvellement dans ses implications les plus concrètes, dans l’entreprise et la société, au travers des retours d’expérience de terrain, fait partie des missions de notre groupe X-Sciences de l’Homme et de la Société.

Amicalement,

pour le bureau, Michel Paillet, président de X-SHS

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